Les abeilles jouent un rôle crucial dans la pollinisation à l’échelle mondiale et influencent directement les rendements agricoles, assurant ainsi la sécurité alimentaire et préservant la biodiversité.1 Cependant, l’industrie apicole est confrontée à une menace majeur, l’acarien Varroa destructor. Ce parasite représente un véritable fléau pour la santé des abeilles et la survie des colonies. Il infeste les ruches et cause des dégâts importants en se nourrissant de l’hémolymphe et corps gras des abeilles, tout en leur transmettent des virus. Cette situation entraîne des pertes considérables de colonies, mettant en péril l’apiculture durable.2
Pour combattre le Varroa, les apiculteurs recourent fréquemment à des substances telles que l’Amitraz (une formamidine), le Coumaphos (un organophosphoré interdit en France) et le Tau-fluvalinate (un pyréthrinoïde).3 Des différences notables ont été observées en termes de résidus dans les ruches suite à l’usage de ces composés sous diverses formulations pour contrôler la varroose.4-5
Il est essentiel de comparer les résidus de coumaphos, d’amitraz et de pyréthrinoïdes dans le miel et la cire, en considérant leur persistance, leur accumulation potentielle et leurs impacts dans les ruches après traitement. Généralement, l’amitraz se distingue par une demi-vie plus courte que certains pyréthroïdes, avec des résidus moindres dans le miel et la cire, grâce à sa dégradation et son élimination rapides dans l’environnement de la ruche.
Bien que l’amitraz puisse avoir un effet néfaste sur les abeilles en cas d’utilisation inappropriée ou d’exposition élevée, sa décomposition rapide peut limiter les risques d’effets à long terme. En revanche, certains pyréthrinoïdes, en raison de leur toxicité aiguë, peuvent présenter un danger pour la santé des abeilles, surtout si leurs résidus s’accumulent dans le miel et la cire au fil du temps.6
Outre les préoccupations liées à la sécurité des consommateurs et aux effets toxiques potentiels sur les abeilles, l’accumulation de résidus joue un rôle clé dans le développement de la résistance des acariens aux différents agents actifs.7-8 La résistance aux pyréthrinoïdes, en particulier, peut se développer rapidement, souvent quelques années seulement après leur introduction dans une région. Cela a été observé chez Varroa destructor9 ainsi que chez d’autres parasites traités avec des pyréthrinoïdes en agriculture.10-11
En revanche, la résistance à l’amitraz se développe beaucoup plus lentement chez le Varroa et les insectes exposés aux médicaments vétérinaires ou aux pesticides contenant de l’amitraz, en comparaison avec la résistance aux pyréthroïdes. À ce jour, la propagation de la résistance à l’amitraz a été plutôt sporadique et localisée, contrairement à celle d’autres substances actives, qui s’est avérée plus généralisée géographiquement.La diminution de la sensibilité des populations de Varroa à l’amitraz dans des conditions réelles est moins fréquente12, et une baisse d’efficacité du traitement n’implique pas nécessairement le développement d’une résistance sur le terrain.13 En Espagne, l’utilisation de l’Amitraz comme traitement contre la varroose est autorisée depuis 1999. Des études récentes menées dans ce pays montrent que la sensibilité des acariens à l’amitraz reste à 100%.14 Ceci pourrait être lié à l’instabilité et à la dégradation rapide des résidus d’amitraz dans les produits de la ruche. Cette caractéristique pourrait contribuer à prévenir l’émergence de résistances, contrairement à ce qui est observé avec d’autres produits.4, 15
Les résidus des pesticides utilisés en agriculture, ainsi que ceux issus des traitements contre le Varroa, peuvent affecter le comportement des abeilles, diminuer l’efficacité de leur butinage et nuire à la productivité des colonies. L’exposition à des doses sublétales de ces résidus, particulièrement critique durant les étapes de développement des larves, peut provoquer des anomalies de développement, affaiblir le système immunitaire et réduire la longévité des abeilles adultes.16-17 La présence de ces résidus dans l’environnement de la ruche constitue un risque non seulement pour les abeilles individuellement, mais également pour l’ensemble de la colonie, pouvant affecter le développement du couvain, la fertilité de la reine et la productivité globale.18 De plus, ces résidus présents dans les produits de la ruche peuvent contaminer le pollen et le nectar, posant ainsi des risques pour les organismes non ciblés et perturbant l’équilibre des écosystèmes.
L’exposition à des doses sublétales de Tau-fluvalinate et de Coumaphos via la cire peut engendrer des problèmes de reproduction, comme une diminution de la ponte, une supersédure précoce, un rejet accru des cellules royales et une réduction du poids ovarien chez les reines.19-20 L’utilisation de coumaphos dans les colonies peut impacter le développement et la santé de la reine27, et la présence de résidus dans la cire des cellules royales peut réduire la survie et le poids corporel des abeilles durant leur développement.
La présence de Coumaphos et de Tau-fluvalinate dans la cire d’abeille peut également diminuer la survie du couvain21, et l’usage simultané de ces substances peut augmenter la mortalité des abeilles22-23 et réduire la survie du couvain de trois jours.24
Les mâles exposés à ces produits présentent une diminution de la viabilité du sperme.25 L’exposition à ces substances durant les stades précoces de développement augmente leur mortalité, réduit leur poids corporel et entraine une diminution du nombre de spermatozoïdes.26
En conclusion, l’utilisation de ces acaricides peut altérer les fonctions physiologiques, les réponses immunitaires et les mécanismes de détoxification chez les abeilles exposées, les rendant ainsi plus vulnérables aux pathogènes et aux autres pesticides.28
La majorité des recherches sur l’impact des pesticides sur les abeilles se concentre sur les adultes, bien que le couvain (œufs, larves, pupes) soit essentiel pour la santé de la colonie. Pour évaluer de manière exhaustive les risques liés à tout pesticide, il est crucial d’inclure une analyse des effets sublétaux possibles sur le couvain29, y compris pour les composés considérés comme ‘naturels’, tels que le thymol, l’acide formique et l’acide oxalique. En général, une exposition sublétale à ces acaricides ‘naturels’ peut provoquer du stress et la mortalité chez la reine, et affecter la santé, la mémoire, le comportement, ainsi que la longévité des abeilles (tant les adultes que la reine).30-31-32
Plusieurs études ont porté sur l’impact des résidus de traitements contre le Varroa sur la santé des abeilles et la biodiversité environnante, soulignant l’importance d’utiliser des médicaments vétérinaires autorisés au lieu de traitements illégaux ou non approuvés. Les recherches montrent que l’exposition à des doses sublétales de produits non réglementés ou illégaux peut avoir des conséquences néfastes supplémentaires sur les colonies, comme une susceptibilité accrue aux maladies, un affaiblissement de la reine et des taux de mortalité élevés chez les ouvrières.33 De plus, les traitements illégaux, sans autorisation adéquate, peuvent présenter une persistance et une toxicité plus élevées, engendrant des impacts plus graves sur la santé des abeilles et la biodiversité, comparativement aux traitements légalement approuvés.34 Il est également important que les résidus de traitement présents dans les produits de la ruche (miel, cire, propolis, gelée royale, pollen) respectent les limites maximales tolérées établies par la réglementation européenne.
Les traitements vétérinaires approuvés, lorsqu’utilisés conformément aux directives prescrites et aux normes réglementaires, sont soumis à des tests rigoureux pour évaluer leur sécurité pour les abeilles et pour l’environnement. Ceci contribue à minimiser les effets indésirables potentiels.
Les réglementations actuelles régissant l’utilisation des traitements contre la varroose et les limites maximales de résidus (LMR) autorisées dans les produits de la ruche varient d’une région à l’autre et selon les composés.
Par exemple, l’amitraz, couramment utilisé sous forme de bandelettes ou de solutions liquides [note des auteurs : toutes ces présentations peuvent ne pas être autorisées dans votre pays], est autorisée à des fins vétérinaires et montre un niveau élevé de dégradation dans la ruche, donc une moindre accumulation. Les limites de résidus autorisées pour l’amitraz dans le miel se situent entre 0,02 à 0,03 mg/kg, soulignant sa dégradation rapide et donc sa faible persistance dans les produits de la ruche.35 La fluméthrine et la tau-fluvalinate, des traitements à base de pyréthrinoïdes appliqués sous forme de bandelettes, présentent également des taux de dégradation relativement élevés dans les produits de la ruche, avec des limites de résidus allant de 0,01 à 0,02 mg/kg dans le miel.36 Les acides organiques tels que l’acide oxalique et l’acide formique, souvent utilisés pour leurs origines naturelles, n’ont pas de limites de résidus spécifiques, soulignant leurs avantages en termes de dégradation et de faible persistance dans les produits de la ruche.37 Le thymol, dérivé de sources végétales, ne présente également pas de limites de résidus spécifiques en raison de sa dégradation relativement rapide dans l’environnement de la ruche.38 Selon la Commission européenne, il n’existe pas de LMR (Limites Maximales de Résidus) spécifique pour l’acide oxalique dans le miel, mais cela n’altère en rien les directives de son utilisation, notamment lorsqu’il est appliqué pour garantir un effet optimal contre le Varroa et limiter les dommages sur les abeilles. (Commission européenne, 2020)39
Pour conclure, dans le cadre de l’apiculture conventionnelle, l’Amitraz se présente comme une alternative préférable aux pyréthrinoïdes et aux organophosphorés, en raison de son profil moins problématique en termes de résidus. Le faible niveau de résidus d’amitraz dans la ruche contribue significativement à limiter le développement de résistance du Varroa à cet agent actif et à réduire son impact sur les abeilles.
Le renouvellement régulier des cires est une pratique incontournable et prioritaire pour limiter l’accumulation de résidus et prévenir l’émergence de résistances.
Par ailleurs, il est crucial d’utiliser exclusivement des traitements testés et autorisés pour l’usage en ruche (médicaments vétérinaires pour l’abeille), afin d’éviter les risques associés aux résidus non contrôlés des traitements illégaux.
L’adoption de stratégies optimales de contrôle de la varroose, qui minimisent les résidus, est essentielle pour une apiculture durable. 40 Cela implique la rotation et la diversification des acaricides pour diminuer les résidus et empêcher l’apparition de souches résistantes de Varroa, ainsi que l’intégration de stratégies de gestion intégrée, mêlant interventions mécaniques (retrait de couvain par exemple) et utilisation judicieuse de solutions médicamenteuses.
Références :
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