Dans cette étude, des varroas provenant de ruchers français ont été collectés en 2020 et 2021 afin d’évaluer leur sensibilité à l’amitraze en laboratoire (CL90 ; concentration létale pour 90% de la population étudiée). Dans un second temps, 240 de ces varroas ont été génotypés afin d’identifier si la mutation à la position 260 du gène ORβ-2R-L (précédemment liée à la résistance à l’amitraze) était présente ou non. Enfin, un médicament à base d’amitraze a été appliqué dans les ruches où les varroas avaient été collectés, afin de mesurer l’efficacité du traitement.
Les résultats ont révélé des occurrences régionales de résistance à l’amitraz, avec une diminution moins sévère de l’efficacité du traitement par rapport à d’autres pesticides. Notamment, l’analyse génétique a montré que la mutation précédemment identifiée à la position 260 pourrait ne pas causer directement la résistance à l’amitraze, remettant en question le rôle de ce marqueur génétique et suggérant un mécanisme de résistance plus complexe.
L’étude peut être consultée dans son intégralité (en anglais) sur ce lien.
Note : La publication mentionne le terme « polymorphisme nucléotidique (PN) » qui est une petite variation génétique qui se produit lorsqu’un seul nucléotide (les éléments constitutifs de l’ADN) dans la séquence du génome est altéré. Cependant, comme ce terme peut ne pas être familier à tout le monde, nous l’avons parfois remplacé par le mot « mutation » dans l’article suivant, un terme fréquemment utilisé dans les publications récentes sur la résistance. Il est important de noter, cependant, que d’un point de vue scientifique, un PN est plus précisément décrit comme une « variation » qu’une véritable mutation.
Cette étude a examiné l’émergence de la résistance à l’amitraze chez les populations d’acariens Varroa destructor dans différentes régions de France. L’amitraz, un acaricide formamidine largement utilisé, a été un pilier dans le contrôle du varroa. Cependant, des rapports récents indiquant une baisse de l’efficacité des traitements ont soulevé des inquiétudes quant au développement de la résistance.
Contrairement à la propagation rapide de la résistance aux pyréthrinoïdes (tau-fluvalinate et flumethrine), la résistance à l’amitraze semble apparaitre sous forme « d’îlots de résistance » avec des baisses d’efficacité initialement moins sévères.
En 2020 et 2021, des tests en laboratoire ont été réalisés pour évaluer la sensibilité des varroas à l’amitraze en utilisant des varroas collectés dans des ruchers d’apiculteurs professionnels en France.
Deux cent quarante varroas classés comme « sensibles » ou « résistants », ont été génotypés, en se concentrant sur la recherche du polymorphisme nucléotidique (PN) à la position 260 du gène Orβ-2R-L (récepteur à l’octopamine), précédemment lié à la résistance à l’amitraze. De plus, un essai terrain évaluant l’efficacité d’un médicament à base d’amitraze a été effectué.
Pour résumer, l’étude s’est déroulée en 3 étapes, effectuées sur les mêmes populations d’acariens :
Les varroas ont été exposés à une concentration létale d’amitraze (CL90; concentration létale pour 90% de la population étudiée) dans des capsules de paraffine, selon une procédure standardisée. Le taux de mortalité des varroas a été mesuré pour indiquer la sensibilité. Les populations ont été classées comme « sensibles », « intermédiaires » et « résistantes ».
Ces populations de varroas classifiées ont ensuite été génotypées (on décompose le génome pour comparer les différents gènes avec une population de référence), en se concentrant sur le PN (polymorphisme nucléotidique) à la position 260 du gène Orβ-2R-L, qui code pour le récepteur à l’octopamine de type β-adrénergique, la cible principale de l’amitraze.
Ce PN provoque une substitution d’acide aminé (N87S) susceptible de modifier la liaison de l’amitraz.
L’efficacité du médicament a été évaluée sur 50 colonies (préalablement échantillonnées pour les tests en laboratoire et le génotypage) dans deux régions de France (Occitanie et PACA) avec le traitement appliqué fin août / mi-septembre 2021.
Les résultats confirment la présence d’« îlots » de résistance à l’amitraz, avec une baisse d’efficacité moins sévère par rapport aux pyréthrinoïdes.
Cependant, l’analyse génétique soulève des doutes quant au rôle direct de la mutation à la position 260 dans la résistance. En effet, cette mutation était présente à la fois dans les populations d’acariens « résistants » et « sensibles ». En d’autres termes, cette mutation a été trouvée chez les acariens morts suite à l’exposition à l’amitraze (= sensibles) et chez les acariens ayant survécu à l’exposition à l’amitraz (= résistants). Cela signifie que la présence de cette mutation n’est pas entièrement responsable du développement de la résistance à l’amitraz.
En ce qui concerne l’efficacité sur le terrain, l’efficacité moyenne était de 93 %, avec une efficacité de 95,5 % dans la région Occitanie et de 90,5 % dans la région PACA.
Alors que la résistance à l’amitraz est confirmée dans certaines populations d’acariens varroa en France, sa propagation et son impact diffèrent significativement de la prolifération rapide de la résistance aux pyréthrinoïdes.
Les résultats de cette étude remettent en question l’hypothèse selon laquelle la mutation à la position 260 du gène Orβ-2R-L est la seule cause directe de la résistance à l’amitraze. Cela contraste avec les résultats antérieurs de Hernández-Rodríguez et al. (2021) et de Rinkevich et al. (2023), qui ont identifié cette mutation comme un marqueur génétique clé pour la résistance. Rinkevich et al. avaient observé une forte corrélation entre la présence de la mutation 260 A>G et la survie des varroas après exposition à l’amitraz dans les populations américaines. De même, González-Cabrera et al. avaient lié cette mutation à la résistance dans les populations de Varroa en Espagne.
La présente étude n’a pas établi de lien direct entre la mutation 260 et la survie à l’amitraze, suggérant que d’autres facteurs et des mécanismes plus complexes sont impliqués dans le développement de la résistance.
Des variations supplémentaires ont été identifiées aux positions 344-345 du gène Orβ-2R-L, plus fréquentes chez les varroas « résistants », indiquant un rôle potentiel dans la résistance qui nécessite une exploration plus approfondie.
Les résultats suggèrent que le génome des varroas est plus variable que supposé initialement, avec des adaptations continues à l’hôte et à l’environnement, y compris l’exposition aux pesticides. La résistance à l’amitraz semble donc impliquer des mécanismes évolutifs complexes plutôt que d’être déclenchée par un seul polymorphisme (une seule variation).
Les auteurs suggèrent donc que la mutation précédemment identifiée à la position 260 n’est pas uniquement responsable de la résistance à l’amitraze, qui résulte probablement de variations génétiques supplémentaires et de processus évolutifs. Cette complexité rend la détection de la résistance par des marqueurs génétiques plus difficile que la simple identification de la présence d’une unique variation.
Marsky U, Rognon B, Douablin A, Viry A, Rodríguez Ramos M.A, Hammaidi A. Amitraz Resistance in French Varroa Mite Populations—More Complex Than a Single-Nucleotide Polymorphism. Insects 2024, 15, 390. https://doi.org/10.3390/insects1506039
Hernández-Rodríguez CS, Moreno-Martí S, Almecija G, Christmon K, Johnson JD, Ventelon M et al., Resistance to amitraz in the parasitic honey bee mite varroa destructor is associated with mutations in the β-adrenergic-like octopamine receptor. J Pest Sci 95:1179-1195 (2021).
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