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Interactions potentielles entre l’acide oxalique et l’amitraz dans le contrôle de Varroa

Table des matières

L’apiculture consiste à gérer soigneusement les colonies d’abeilles afin de garantir leur santé tout en luttant contre les parasites et les maladies qui mettent en péril leur survie. L’une des principales préoccupations des apiculteurs du monde entier est de lutter efficacement contre l’acarien Varroa destructor. Ces acariens sont bien connus pour leur rôle dans l’affaiblissement des colonies d’abeilles, la propagation de virus et leur contribution à l’effondrement des colonies [1].

Au fil des ans, diverses méthodes de traitement ont été mises au point pour lutter contre les acariens Varroa, notamment des traitements chimiques, tels que l’amitraz, et des traitements organiques/naturels, tels que l’acide oxalique. Cependant, la combinaison de ces traitements doit être soigneusement évaluée en raison des interactions potentielles qui peuvent affecter leur efficacité. En outre, des recherches sont en cours pour combiner les traitements afin d’améliorer les stratégies de lutte intégrée contre les ravageurs (IPM) [2].

1. L'amitraz : Un actif éprouvé pour lutter contre Varroa

L‘amitraz est un principe actif largement utilisé dans l’industrie apicole, connu pour son efficacité dans la lutte contre les acariens Varroa [3-4]. Il agit en interférant avec le système nerveux des varroas, ce qui entraîne leur paralysie et leur mort. L’amitraz est généralement administré à l’aide de lanières placées à l’intérieur de la ruche [ndlr : la seule forme d’application actuellement enregistrée comme médicament vétérinaire en France], qui libèrent lentement le principe actif sur une période de plusieurs semaines.

Ce mécanisme de libération lente garantit une exposition prolongée des acariens, renforçant ainsi l’efficacité du traitement. Cependant, comme tous les traitements chimiques, l’efficacité de l’amitraz peut être influencée par divers facteurs, notamment les conditions environnementales et les interactions avec d’autres substances actives [5]. L’une de ces interactions se produit potentiellement avec l’acide oxalique, un traitement qui a gagné en popularité en raison de sa nature organique et de son efficacité dans la lutte contre varroa.

2. L'acide oxalique : Une approche organique

L’acide oxalique est un composé organique naturel utilisé en apiculture comme acaricide. Il peut être administré de différentes manières (dégouttement ou sublimation), mais la vaporisation (ou sublimation) est l’une des méthodes les plus courantes, notamment chez les apiculteurs professionnel. Lors de la sublimation, l’acide oxalique est chauffé jusqu’à ce qu’il se vaporise, puis la vapeur est introduite dans la ruche. La vapeur se dépose sur les abeilles et les surfaces de la ruche, tuant efficacement les varroas.

L’un des principaux avantages de l’acide oxalique est qu’il ne laisse pas de résidus dans la ruche, ce qui explique son succès auprès des apiculteurs biologiques/naturels, bien qu’à des doses élevées et sublétales, elle puisse être nocive pour les abeilles [6-7].

Cependant, l’application d’acide oxalique crée un environnement très acide, qui peut interagir avec d’autres traitements, tels que les lanières à base d’amitraz.

3. L'interaction négative potentielle entre l'amitraz et l'acide oxalique

La combinaison de l’amitraz et de l’acide oxalique peut sembler une stratégie solide pour lutter contre Varroa, en particulier dans les régions où les températures sont extrêmes et où l’ouverture prolongée des ruches est un défi. Cependant, cette combinaison pourrait avoir des conséquences inattendues qui pourraient nuire à l’efficacité de l’amitraz. Étant donné que l’amitraz se dégrade plus rapidement dans les environnements acides [8] et que l’acide oxalique crée de telles conditions dans la ruche, il est plausible que cette dégradation accélérée réduise l’activité résiduelle de l’amitraz. Par conséquent, les acariens risquent de ne pas recevoir une dose létale, ce qui pourrait conduire à un traitement moins efficace, voire à l’émergence d’une résistance au sein de la population d’acariens.

Certains apiculteurs, confrontés à des difficultés de gestion des infestations, ont rapporté avoir appliqué successivement un traitement à base d’acide oxalique suivi de lanières à base d’amitraz dans un court laps de temps. Malgré ces interventions, le nombre de varroas est resté étonnamment élevé. Ce phénomène peut se produire, par exemple, en fin de saison, lorsqu’il est tentant d’utiliser un traitement flash pour ‘faire tomber du varroa’ juste avant l’application des lanières. On peut aussi se poser la question de l’impact de multiples sublimations d’acide oxalique pendant la saison (ndlr : pratique non recommandée dans les RCP de médicaments autorisés en France) sur l’efficacité du traitement de fin de saison à base d’amitraz.

Cette observation suggère que l’environnement acide créé par l’acide oxalique pourrait dégrader l’amitraz, réduisant ainsi l’efficacité du traitement. Cependant, des essais contrôlés sur le terrain sont nécessaires pour confirmer et mieux comprendre cette hypothèse.

De même, on peut considérer la même hypothèse pour l’application consécutive d’acide formique suivi d’amitraz, bien que cette combinaison soit un peu moins courante que l’utilisation d’acide oxalique avec l’amitraz.

À l’inverse, des rapports d’apiculteurs qui ont obtenu un contrôle efficace du varroa en espaçant les traitements (en appliquant des lanières d’amitraz pendant la saison d’élevage du couvain et en réservant la sublimation ou dégouttement de l’acide oxalique pour la période sans couvain à la toute fin de l’automne) font état d’un contrôle efficace des varroas. Cette approche, qui évite l’utilisation trop rapprochée des deux traitements, semble avoir permis une réduction significative des varroas et une meilleure santé des colonies.

4. Planification stratégique du traitement

Compte tenu du risque de réduction de l’efficacité en cas de combinaison d’amitraz et d’acide oxalique, les apiculteurs doivent planifier soigneusement leurs stratégies de traitement afin d’éviter les interactions négatives. Voici quelques éléments clés à prendre en compte pour une lutte efficace contre le varroa :

  1. Traitements séquentiels : Plutôt que d’appliquer simultanément les lanières d’amitraz et la sublimation à l’acide oxalique (ou de manière très rapprochée), envisagez de les utiliser de manière séquentielle. Par exemple, vous pouvez commencer par traiter la ruche avec des lanières d’amitraz, en laissant suffisamment de temps pour que le traitement agisse avant l’acide oxalique. Le mode d’action de certaines substances actives n’étant pas complètement connu, il n’est pas recommandé d’appliquer plusieurs traitements simultanément afin d’éviter des effets indésirables.

  1. Calendrier des traitements : Il faut faire attention au moment où les traitements sont effectués. Les lanières d’amitraz sont souvent utilisées pendant la période d’élevage du couvain, tandis que l’acide oxalique est généralement plus efficace pendant les périodes où il y a moins de couvain (par exemple, à la fin de l’automne ou au début de l’hiver). En alignant les traitements sur les cycles naturels de la colonie, vous pouvez maximiser leur efficacité.

  1. Surveillance et évaluation : Un contrôle régulier des niveaux d’infestation est essentiel pour évaluer l’efficacité de votre plan de traitement. Utilisez des langes ou shaker à l’alcool ou sucre glace pour mesurer l’infestation avant et après les traitements. Ces données peuvent vous aider à prendre des décisions éclairées sur les ajustements à apporter au traitement.

  1. Lutte intégrée contre les parasites (IPM) : Utiliser une approche de lutte intégrée qui combine des méthodes chimiques et non chimiques. Il peut s’agir de créer des arrêts de ponte, de remérer, piéger et retirer le couvain de mâles, ou encore de diviser la colonie en temps voulu. En outre, il faut maintenir des colonies fortes et saines grâce à une alimentation et à des pratiques de gestion appropriées [9].

5. Explorer de nouvelles combinaisons de traitements

La combinaison des traitements a été proposée comme une approche prometteuse pour améliorer les stratégies de lutte intégrée contre Varroa [10]. Cette idée a un précédent, puisque des combinaisons impliquant l’amitraz ont été testées contre d’autres arachnides, comme la tique Rhipicephalus microplus [11]. L’utilisation d’une combinaison de produits homologués pourrait permettre de lutter rapidement et efficacement contre Varroa.

Toutefois, ces combinaisons ne devraient pas être utilisées actuellement sur le terrain, car elles doivent être testées avec soin dans le cadre d’un programme de recherche et doivent être adaptées aux conditions et aux besoins spécifiques de chaque rucher. Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour évaluer l’efficacité et la sécurité de ces combinaisons, ainsi que pour déterminer les meilleures méthodes d’application et les meilleurs dosages. En outre, une validation par les autorités est nécessaire pour évaluer le rapport bénéfice/risque.

Conclusion

Pour lutter efficacement contre l’acarien Varroa, il faut comprendre en détail les interactions entre les différentes méthodes de traitement. Si les lanières d’amitraz et la sublimation de l’acide oxalique sont deux outils précieux dans l’arsenal de l’apiculteur, leur combinaison peut entraîner une réduction de l’efficacité en raison de la dégradation rapide de l’amitraz dans les environnements acides.

En planifiant stratégiquement les traitements, en surveillant les niveaux d’infestation et en adoptant une approche de lutte intégrée, les apiculteurs peuvent obtenir de meilleurs résultats et garantir la santé et la vitalité de leurs colonies.

Le contenu de cette page a été rédigé à destination du public Français. Les instructions d’emploi des médicaments mentionnés sont conformes à la réglementation Française. Table des matières Dans le

Une étude menée sur des varroas révèle des mécanismes complexes derrière la résistance à l'amitraz, remettant en question le rôle de la mutation du gène ORβ-2R-L.
Tutoriel vidéo Oxybee réalisé dans le rucher Véto-pharma et présenté par notre Apiculteur-Chercheur.

Références:

  1. Francis RM, Nielsen SL, Kryger P. Varroa-virus interaction in collapsing honey bee colonies. PLoS One. 2013;8(3):e57540. doi: 10.1371/journal.pone.0057540. Epub 2013 Mar 19. PMID: 23526946; PMCID: PMC3602523.

  2. Aurell, D., Wall, C., Bruckner, S., Williams, G.R. Combined treatment with amitraz and thymol to manage Varroa destructor mites (Acari: Varroidae) in Apis mellifera honey bee colonies (Hymenoptera: Apidae). Journal of Insect Science, Volume 24, Issue 3, May 2024, 12. https://doi.org/10.1093/jisesa/ieae022

  3. Hernández-Rodríguez, C.S., Moreno-Martí, S., Almecija, G. et al. Resistance to amitraz in the parasitic honey bee mite Varroa destructor is associated with mutations in the β-adrenergic-like octopamine receptor. J Pest Sci 95, 1179–1195 (2022). https://doi.org/10.1007/s10340-021-01471-3.

  4. Marsky, U.; Rognon, B.; Douablin, A.; Viry, A.; Rodríguez Ramos, M.A.; Hammaidi, A. Amitraz Resistance in French Varroa Mite Populations—More Complex Than a Single-Nucleotide Polymorphism. Insects2024, 15, 390. https://doi.org/10.3390/insects15060390.

  5. Morfin N, Rawn D, Petukhova T, Kozak, P, Eccles, L, Chaput, J, Pasma, T, Guzman-Novoa, E. Surveillance of synthetic acaricide efficacy against Varroa destructor in Ontario, Canada. The Canadian Entomologist. 2022;154(1):e17. doi:10.4039/tce.2022.4.

  6. Martín-Hernández, R.; Higes, M.; Pérez, J.L.; Nozal, M.J.; Gómez, L.; Meana, A. Short Term Negative Effect of Oxalic Acid in Apis mellifera iberiensis. Span. J. Agric. Res. 2007, 5, 474.

  7. Schneider, S.; Eisenhardt, D.; Rademacher, E. Sublethal Effects of Oxalic Acid on Apis mellifera (Hymenoptera: Apidae): Changes in Behaviour and Longevity. Apidologie 2012, 43, 218–225.

  8. Van Eeden, C. M., Liebenberg, W., du Preez, J. L., & de Villiers, M. M. (2004). Solvent and Surfactant Enhanced Solubilization, Stabilization, and Degradation of Amitraz. Journal of Environmental Science and Health, Part B, 39(1), 33–51. https://doi.org/10.1081/PFC-120027437.

  9. Bartlett, L.J., Alparslan, S., Bruckner, S., Delaney, D.A., Menz, J.F., Williams, G.R., Delaplane, K.S. 2024. Neonicotinoid exposure increases Varroa destructor (Mesostigmata: Varroidae)mite parasitism severity in honey bee colonies and is not mitigated by increased colony genetic diversity, Journal of Insect Science, Volume 24, Issue 3, May 2024, 20. https://doi.org/10.1093/jisesa/ieae056

  10. Jack CJ, Ellis JD. Integrated Pest Management control of Varroa destructor (Acari: Varroidae), the most damaging pest of (Apis mellifera L. (Hymenoptera: Apidae)) colonies. J Insect Sci. 2021:21(5):1–32. https://doi.org/10.1093/jisesa/ieab058.

  11. Rodriguez-Vivas RI, Jonsson NN, Bhushan C. Strategies for the control of Rhipicephalus microplus ticks in a world of conventional acaricide and macrocyclic lactone resistance. Parasitol Res. 2018:117(1):3–29. https://doi.org/10.1007/s00436-017-5677-6.

  12. Toomemaa K. The synergistic effect of weak oxalic acid and thymol aqueous solutions on Varroa mites and honey bees. J Apic Res. 2019:58(1):37–52. https://doi.org/10.1080/00218839.2018.1486695.

  1. Pietropaoli M, Formato G. Formic acid combined with oxalic acid to boost the acaricide efficacy against Varroa destructor in Apis mellifera. J Apic Res. 2022:61(3):320–328. https://doi.org/10.1080/00218839.2021.1972634.

  2. US EPA. Pesticide Product Label—Apivar; 2021 [accessed 2021 January 13]. https://www3.epa.gov/pesticides/chem_search/ppls/087243-00001-20210715.pdf.

  3. Johnson RM, Dahlgren L, Siegfried BD, Ellis MD. Acaricide, fungicide and drug interactions in honey bees (Apis mellifera). PLoS One. 2013:8(1):e54092.
    https://doi.org/10.1371/journal.pone.0054092.

  1. Honey Bee Health Coalition. Tools for Varroa management: a guide to effec­tive Varroa sampling & control. 8th Keystone (CO): Keystone Policy Center; 2022.

  2. US EPA. Pesticide Product Label—Apiguard; 2018 [accessed 2023 April 30]. https://www3.epa.gov/pesticides/chem_search/ppls/079671-00001-20181113.pdf.

  3. Giacomelli A, Pietropaoli M, Carvelli A, Iacoponi F, Formato G. Combination of thymol treatment (Apiguard®) and caging the queen technique to fight Varroa destructor. Apidologie. 2016:47(4):606–616. https://doi.org/10.1007/s13592-015-0408-4.
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