Cet article est extrait de l’enquête Parole d’Apiculteur sur le Nourrissement de l’Abeille, réalisée auprès de 166 apiculteurs et en collaboration avec Antonio Gómez Pajuelo, expert en nutrition de l’abeille. Cette cette enquête a pour but de mesurer les connaissances techniques des apiculteurs, ainsi que leurs pratiques concernant le nourrissement des abeilles. Globalement, cette synthèse vous fournira des informations techniques et pointues afin de garantir un nourrissement optimal de vos colonies.
Les besoins protéinés de l’abeille adulte sont décrits par Crailsheim (1986) dans le graphique ci-contre (figure 3).
Celui-ci illustre la variation de la quantité de leucine dans l’hémolymphe de l’abeille adulte. La leucine est un très bon indicateur de la consommation en protéines car :
Dans les premiers jours après l’émergence, l’abeille adulte va nécessiter une alimentation riche en protéines, dont une grande partie servira au développement des glandes hypopharyngiennes et à la production de gelée royale (Maurizio, 1954). Pain et Maugenet (1966) ont évalué que près de 60 mg par abeille étaient ainsi consommés durant les dix premiers jours.
L’alimentation protéinée baisse rapidement et se stabilise à 20 % des besoins initiaux à partir de 15 jours après l’émergence (Crailsheim, 1986). Souvent, les nourrices assurent par trophallaxie l’alimentation des ouvrières plus âgées comme les butineuses (Crailsheim et al, 1998).
Si les nourrices ne trouvent pas les protéines nécessaires à leur alimentation (de même que lors d’une forte infestation par Varroa), leurs glandes hypopharyngiennes ne se développent pas complètement et leur production de gelée royale ne permet pas un développement normal du couvain et/ou une alimentation correcte de la reine. La ponte de cette dernière s’en trouve réduite. Les sécrétions des glandes hypopharyngiennes représentent environ 95 % de la quantité totale des protéines nécessaires au développement d’une larve (Babendreier et al., 2004). Pour Pernal et Currie (2000), le pollen intervient au niveau de la vitellogénèse et, en absence de reine, il augmente le développement des ovaires des abeilles.
Les larves sont nourries avec une gelée larvaire. Cette gelée a une composition similaire à celle de la gelée royale durant les trois premiers jours. Par la suite, les nourrices incorporent progressivement du pollen et du miel en fonction de l’âge de la larve (Winston, 1987). Les larves consomment du pollen principalement les 4ème et 5ème jours de leur vie. Cremonez (1998) a établi qu’une larve consomme 30 mg de protéines (soit 125 mg de pollen) pour devenir ouvrière ; ce qui revient à dire qu’1 kg de pollen permet d’élever potentiellement 8 000 ouvrières.
Une bonne teneur en protéines des larves de mâles et des premiers jours du stade adulte va permettre une maturité sexuelle rapide et normale (Szolderits et Crailsheim, 1993), et un grand nombre de spermatozoïdes produits (Nguyen, 1999). Ces besoins en protéines sont couverts par la nourriture (un mélange de sécrétions glandulaires, de pollen et de miel) que les jeunes ouvrières donnent aux mâles de 1 à 8 jours.
Une colonie va consommer entre 12 et 40 kg de pollen par an. L’aspect qualitatif des pollens est très important dans la mesure où c’est la quantité de protéines apportée à la ruche qui est déterminante. Par exemple, une colonie qui récolte 3 kg de pollen à 20 % de protéines aura la même quantité de protéines disponibles qu’une colonie qui récolte 2 kg de pollen à 30 % de protéines.
Les acides aminés sont des petites molécules azotées qui se lient pour former les peptides (quand elles sont en petit nombre) ou les protéines (quand elles sont plus de 50). Il en existe 20 dans la nature.
L’abeille est capable d’en synthétiser 10 à partir de leurs composants (issus des protéines ingérées par l’alimentation), mais les 10 autres ne sont pas synthétisables et doivent être apportés tels quels par l’alimentation. Ce sont les acides aminés essentiels (la liste est donnée dans la figure 4).
Quelques plantes, comme par exemple l’eucalyptus, ne contiennent pas un ou plusieurs acides aminés essentiels (l’isoleucine dans ce cas). Si les abeilles consomment ce pollen en quantité et à long terme, la carence induite augmentera le risque d’apparition de maladies (Mendoza, 2013).
Ce sont des sources importantes d’énergie qui sont utilisées pour la composition des réserves. Il est admis que les acides gras sont des composants nécessaires des phospholipides qui jouent un rôle important dans l’intégrité structurale et la fonction des membranes cellulaires des insectes.
Il n’y a pas beaucoup d’études sur les lipides en apidologie, mais nous savons que:
Le bon fonctionnement de l’organisme de l’abeille nécessite un apport en minéraux. Ceux-ci sont impliqués dans de nombreuses réactions vitales. Les principaux sont donnés par Somerville (2005) : calcium, chlore, cobalte, cuivre, phosphore, fer, magnésium, manganèse, nickel, potassium, sodium, iode et zinc.
Il faut toutefois noter que les sels minéraux, en quantités importantes, augmentent la quantité d’eau retenue dans les fèces de l’abeille, donc leur volume, et nécessite plus de vols de propreté pour leur évacuation. Il faut donc veiller à ne pas faire hiverner avec des aliments trop riches en minéraux, comme les miellats (nous avons également dit que certains sucres des miellats sont par ailleurs toxiques)
L’eau est indispensable pour maintenir les minéraux en dissolution, pour de nombreuses réactions chimiques vitales pour l’organisme de l’abeille.
Elle sert aussi à augmenter l’humidité relative au niveau du couvain (70 %) pour permettre son développement. Le couvain est en effet sensible à la déshydratation (dessèchement corporel) et peut disparaître entièrement de la ruche s’il y a pénurie d’eau. L’eau sert également à réguler la température corporelle de la colonie (par la ventilation). Il faut cependant préciser que le métabolisme de l’abeille ne permet pas l’élimination de l’eau. L’abeille ne peut donc pas consommer régulièrement du nectar, très humide.
La quantité d’eau consommée par une colonie dépend beaucoup de l’élevage et de la température. D’après son expérience personnelle en Espagne, Antonio Pajuelo considère une consommation de 1 litre d’eau par colonie par semaine en période d’élevage (en ou hors période de miellée). De plus, elles ont une préférence pour les eaux riches en sels minéraux, ce qui explique pourquoi elles peuvent être attirées par les effluents d’élevage.
En hiver, les abeilles consomment l’eau résultant de la condensation de l’humidité ambiante de la ruche, par la différence de température entre le coeur de la grappe (chaud) et la périphérie de la colonie (froide).
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