Le renouvellement des rayons de cire est un aspect souvent sous-estimé de la gestion des ruches. Pourtant, c’est un élément clé pour assurer la bonne santé des abeilles et renforcer la lutte contre le varroa (Varroa destructor).1 Au fil du temps, les agents pathogènes2 et les résidus des traitements3 contre le varroa peuvent s’accumuler dans la cire d’abeille, mettant en danger la santé des colonies et réduisant l’efficacité future de ces traitements. Alors, pourquoi et comment renouveler la cire pour protéger vos abeilles ? Décryptons cela ensemble.
En plus des risques bien connus liés à l’accumulation de résidus dans la cire, d’autres arguments peuvent plaider en faveur du renouvellement des rayons de cire par les apiculteurs. Une étude récente menée par Zhang et al. (2024), intitulée “Large cells suppress the reproduction of Varroa destructor” (Les grandes cellules suppriment la reproduction de Varroa destructor), publiée dans Pest Management Science, apporte un nouvel élément de réflexion à ce sujet.6
Dans la recherche de méthodes efficaces pour contrôler Varroa destructor, la phase reproductive des femelles adultes du varroa a longtemps attiré l’attention des scientifiques.7-8
Le succès reproductif des femelles varroa dans les cellules de couvain dépend de plusieurs facteurs, comme l’état nutritionnel, la sous-espèce de l’hôte (abeille) et les conditions d’accouplement à l’intérieur de la cellule de couvain.6
Depuis les années 1990, un facteur fréquemment étudié est la taille des cellules de couvain et ses effets sur la fécondité et la fertilité du varroa.6-9
Certaines études ont montré que les petites cellules de couvain pouvaient freiner la reproduction du varroa, tandis que d’autres recherches ont contredit ces résultats ou n’ont trouvé aucun impact de la taille des cellules.6
Dans l’étude récente de Zhang et al. (2024), les auteurs ont analysé l’impact de la taille des cellules de couvain sur la réussite reproductive du varroa en laboratoire. Grâce à différentes méthodologies (capsules de gélatine simulant des cellules de couvain, mesure de la taille du gonopore des acariens adultes et cellules de cire imprimées en 3D de différentes tailles), cette étude a examiné les différences potentielles en termes de fécondité et fertilité du varroa, selon la taille des cellules de couvain.6
Des larves d’abeilles ouvrières au cinquième stade larvaire ont été collectées dans des colonies à faible infestation par le varroa et transférées en laboratoire pour les expériences. Tous les varroas utilisés provenaient de colonies fortement infestées.
Deux tailles différentes de capsules de gélatine ont été préparées pour simuler des cellules de couvain et servir de support à la reproduction du varroa :
Les larves d’abeilles et les acariens varroa ont été placés dans les capsules de gélatine selon trois groupes de traitement et un groupe témoin, avant que les capsules ne soient scellées et incubées à 34,5 °C et 75 % d’humidité relative.
Les groupes expérimentaux étaient répartis comme suit :
Un groupe témoin a également été mis en place avec une seule larve d’abeille dans une capsule de taille 1, sans présence de varroa. Pour ce groupe, un taux de survie moyen des larves hôtes de 88,3 % a été observé.6
La fertilité et la fécondité des femelles varroa se sont révélées significativement différentes entre les groupes (1) et (2).
Dans un second temps, les auteurs ont mesuré les différences dans la production reproductive des acariens femelles, qui peuvent être prédites par la variation de la taille de leur gonopore. Ils ont constaté que les femelles varroa élevées dans des capsules plus grandes avaient des gonopores plus petits (le gonopore étant l’ouverture génitale chez les invertébrés).6
Ainsi, afin de prévenir l’exposition aux pathogènes et la résistance aux traitements varroa, le renouvellement des rayons de cire de manière régulière (généralement recommandé tous les trois ans) est un outil important pour la gestion sanitaire des colonies et le contrôle du varroa.5
De manière intéressante, les résultats ont changé dès qu’une deuxième larve a été ajoutée dans les capsules de grande taille. La fécondité et la fertilité des varroas ont alors été restaurées dans le troisième groupe de traitement (groupe 3) et ne montraient plus de différence significative par rapport aux varroas femelles inoculés dans les capsules de petite taille avec une seule larve.
De plus, la taille du gonopore des varroas dans les grandes cellules contenant deux larves a augmenté au cours des premiers stades de la reproduction, devenant équivalente à celle des acariens dans les petites cellules de couvain.6
Ces résultats indiquent que la fertilité du varroa pourrait être influencée non seulement par la taille absolue de la cellule de couvain, mais aussi par la taille relative de l’hôte à l’intérieur de cette cellule.
Comme les capsules de gélatine limitaient la taille des cellules de couvain simulées et ne correspondaient pas parfaitement aux vraies cellules de couvain des abeilles, les chercheurs ont utilisé des cellules de cire imprimées en 3D pour approfondir leurs investigations. Les résultats obtenus ont confirmé ceux des expériences avec les capsules de gélatine :
Bien que la reproduction des acariens varroa soit un processus complexe, influencé par de nombreux facteurs, les auteurs concluent que des cellules de couvain plus grandes freinent leur reproduction. Ce constat rejoint les résultats de certaines études précédentes menées sur le terrain.
Par ailleurs, puisque les groupes de traitement (groupe 1) et (groupe 3) ont tous deux montré une fécondité et une fertilité plus élevées des varroas, les auteurs suggèrent que le facteur clé influençant leur succès reproductif pourrait être le rapport entre la taille de la cellule et celle de l’hôte (larve), plutôt que la taille absolue de la cellule.6
Une explication possible à ces résultats pourrait être une dispersion plus importante ou un affaiblissement des signaux chimiques dans les cellules de couvain plus grandes. En effet, les couvains de faux-bourdons et d’ouvrières émettent des substances volatiles qui influencent le comportement du varroa dans sa recherche d’un hôte. Si ce mécanisme est ralenti ou altéré par une cellule de taille plus grande, cela pourrait perturber ou retarder la phase de reproduction du varroa.6
Dans le contexte du contrôle du varroa et des stratégies de lutte intégrée (IPM), ces résultats suggèrent un avantage supplémentaire du renouvellement régulier des anciens rayons de couvain dans les colonies d’abeilles. En effet, avec le temps, les cellules de couvain des ouvrières deviennent de plus en plus petites à mesure que la cire vieillit.10
Or, l’on sait que des cellules de couvain plus petites dans un vieux rayon ont plusieurs inconvénients bien documentés :
De plus, les résultats de l’étude citée ci-dessus suggèrent un bénéfice potentiel supplémentaire sous la forme d’un succès reproductif moindre du varroa.6
Pour les apiculteurs, tous ces éléments indiquent clairement que le renouvellement régulier des rayons de cire offre de nombreux avantages pour la santé des colonies d’abeilles.
Apis cerana cerana (l’abeille asiatique) est beaucoup moins vulnérable aux effets néfastes de l’infestation par le varroa que l’abeille occidentale Apis mellifera.12-13
Si de nombreuses publications ont mis en avant différentes adaptations comportementales de Apis cerana cerana face à l’infestation par le varroa – notamment la présence d’un système hôte-parasite beaucoup plus ancien et co-évolué entre cette abeille et le varroa14-15, peu d’études se sont intéressées aux effets spécifiques des comportements d’hygiène sur la taille des cellules de couvain.
L’étude de Peng et al. (2023)16 apporte des éléments de réponse à ce sujet. Leurs recherches montrent qu’Apis cerana cerana ronge les anciennes cellules de couvain de deux manières distinctes :
Les ouvrières reconstruisent ensuite de nouvelles parois cellulaires sur ces bases d’anciennes cellules, qui contiennent encore une petite quantité de cocon, formant ainsi des cellules de couvain partiellement reconstruites. Le diamètre et le volume de ces cellules semi-reconstruites sont presque identiques à ceux des cellules nouvellement construites, mais significativement plus grands que ceux des anciennes cellules de couvain.14
Bien que ce comportement de rongement ou de nettoyage d’Apis cerana cerana présente d’autres avantages, comme la croissance de plus grandes abeilles ouvrières14, il est particulièrement intéressant d’observer que cette espèce, souvent décrite comme une abeille « tolérante au varroa », adopte une stratégie conduisant à l’agrandissement des cellules de couvain.
Des études complémentaires visant à approfondir la relation entre la taille des cellules de couvain des ouvrières, le rapport entre la taille de la cellule et celle de l’hôte, et le succès reproductif du varroa dans différentes sous-espèces d’abeilles pourraient s’avérer bénéfiques pour la recherche de nouvelles méthodes de contrôle du varroa.
Références:
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