Une colonie d’abeilles à son apogée démographique montre une productivité améliorée, une meilleure efficacité de pollinisation et une capacité accrue à élever du couvain [1]. Une étude a démontré une forte corrélation positive entre la force de la colonie, la quantité de couvain et la production de miel [1]. De plus, les colonies densément peuplées disposent de mécanismes de défense renforcés contre les prédateurs, comme les frelons. Cependant, ces colonies tendraient aussi à être plus fortement infestées par Varroa destructor. Y a-t-il une réelle corrélation?
La performance optimale d’une colonie est atteinte grâce à une combinaison de facteurs. Le maintien de reines jeunes âgées de 1 à 2 ans, le bon statut nutritionnel et l’absence de pathologies sévères contribuent à l’obtention d’un état de robustesse de la ruche dans les semaines suivant le début du printemps. Cette condition est renforcée par l’administration de compléments alimentaires appropriés, qui ont montré une augmentation de la productivité et de la stimulation de production de couvain, d’abeilles et de cire [2].
Les apiculteurs investissent des ressources et des efforts considérables pour atteindre cet état vigoureux dès le début de la saison, dans le but de maximiser la durée et l’efficacité de la période productive. Cette stratégie est soutenue par des études de modélisation récentes qui démontrent que la productivité de la colonie est directement liée à la longévité des abeilles ouvrières [3]. Le modèle suggère qu’une augmentation de la durée de vie des abeilles ouvrières est corrélée à des périodes de butinage prolongées et à des rendements de miel plus élevés.
La relation entre la taille de la colonie et la productivité, proposée pour la première fois par Clayton L. Farrar en 1937, reste pertinente dans l’apiculture moderne [4]. Farrar avait théorisé que le pourcentage de butineuses augmentait progressivement avec la population totale, une idée qui s’aligne avec les dynamiques actuelles des colonies. Bien que les conditions favorisant une forte croissance soient de plus en plus difficiles à maîtriser (changement climatique, infestations, variations saisonnières), les principes établis par Farrar restent cruciaux. Les recherches récentes, notamment à travers des modèles comme BEEHAVE, confirment et affinent cette théorie en montrant les liens complexes entre la population, la production de miel et la santé globale de la colonie [5].
Ouvrières | 10 000 | 20 000 | 30 000 | 40 000 | 50 000 | 60 000 |
Butineuses | 2 000 | 5 000 | 10 000 | 20 000 | 30 000 | 39 000 |
Pourcentage de Butineuses | 20% | 25% | 30% | 50% | 60% | 65% |
Poids de la population | 1kg | 2kg | 3kg | 4kg | 5kg | 6kg |
Récolte de miel | 1kg | 4kg | 9kg | 16kg | 25kg | 36kg |
Source : Reid 1980.
De toute évidence, les rendements les plus élevés sont obtenus avec des ruches bien peuplées. Cependant, cette augmentation de la productivité s’accompagne d’une limitation significative : une plus grande vulnérabilité à l’infestation par Varroa destructor.
Le cycle reproductif de Varroa destructor est étroitement lié au développement du couvain des abeilles [6]. Ainsi, bien que la stimulation de la production de couvain soit essentielle pour maintenir des colonies peuplées, elle crée également des conditions favorables à la prolifération des acariens. La gravité de l’infestation dépend de plusieurs facteurs, tels que les interruptions de la ponte durant l’hiver et le niveau de parasitisme résiduel après traitement.
L’efficacité des traitements acaricides est cruciale pour contrôler les populations d’acariens après traitement. Par exemple, avec un traitement efficace à 95 %, une infestation initiale de 2 000 varroas laisserait environ 100 varroas résiduels. En revanche, une infestation de 10 000 varroas entraînerait une population résiduelle de 500 varroas, malgré le même taux d’efficacité. Cette relation exponentielle entre les populations d’acariens avant et après traitement souligne l’importance de stratégies de gestion précoces et rigoureuses.
Une étude sur l’impact des planchers grillagés dans les ruches a révélé plusieurs conclusions intéressantes. L’un des effets observés a été une plus grande quantité de couvain dans ces ruches. Malgré leur plus grande vigueur et l’effet de réduction du taux de parasitisme, une plus grande quantité de varroa a également été constatée. La raison en était la grande quantité de couvain que ces ruches avaient développé [7].
La dynamique de l’infestation par Varroa dans les colonies est influencée par plusieurs facteurs au-delà de la production de couvain. Des recherches récentes ont mis en lumière le rôle de la dérive des mâles et de la proximité de ruchers mal gérés ou non traités dans la propagation des varroas [8]. Le comportement de pillage entre colonies contribue également à la réinfestation, compliquant davantage les stratégies de contrôle [9].
Pour relever ces défis, les apiculteurs doivent adopter une approche multifactorielle pour la gestion des varroas. La surveillance des risques, le suivi continu et la mise en œuvre de mesures de contrôle biomécanique sont des outils essentiels dans leur arsenal [10]. Les avancées récentes dans les technologies de surveillance, telles que les systèmes de comptage automatique des varroas, offrent des perspectives prometteuses pour des interventions plus précises et opportunes [11].
Dans la production de miel, la technique consistant à créer un arrêt de ponte temporaire en encageant la reine a suscité un intérêt croissant. Cette méthode permet non seulement d’améliorer les rendements, mais aussi de mieux contrôler les varroas. Elle offre un double avantage : elle expose plus efficacement les acariens phorétiques aux traitements acaricides et redirige les abeilles nourricières vers des tâches de butinage, ce qui peut potentiellement augmenter la production de miel [12]. Cependant, cette approche peut temporairement réduire la population de la colonie, bien qu’un développement robuste du couvain puisse suivre si les conditions de butinage sont favorables.
Les timings des traitements contre les varroas est crucial pour une gestion efficace. Les meilleures pratiques recommandent de commencer le traitement lorsque les niveaux d’infestation dépassent 3 % [13]. Cependant, des études récentes suggèrent que des seuils inférieurs pourraient être nécessaires dans certains contextes pour empêcher une croissance exponentielle de la population varroa [14].
L’intégration des traitements acaricides et des pratiques de gestion doit être soigneusement planifiée afin de maintenir la vigueur des colonies. Les nouvelles recherches sur l’apiculture de précision et la modélisation prédictive ouvrent des perspectives prometteuses pour optimiser le moment et l’efficacité des traitements [15]. En combinant ces approches avec les techniques traditionnelles de gestion, les apiculteurs disposent d’un cadre complet pour préserver la santé et la productivité des colonies face aux défis posés par les varroas.
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En somme, une gestion efficace des varroas nécessite une approche holistique qui tient compte des interactions complexes entre la biologie du varroa, la dynamique des colonies et les facteurs environnementaux. En s’appuyant sur les connaissances scientifiques actuelles et les technologies émergentes, les apiculteurs peuvent élaborer des stratégies plus robustes et durables pour le contrôle des acariens et la gestion des colonies.
Références :
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